La route des Mouettes suite...

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Sao Jorge


Fajàs de sanguinha, da caldeira do Santo Cristo, do Belo é dos Cubres.

19 et 20 juillet 2008

Fajà de sanguinha, une fajà inaccessible, sauf pour « Os montaneirhos ».

Difficile de trouver la veille un taxi qui veuille bien faire sa première course à 6H45… Ici, à Sao Jorge, rien ne bouge avant 8h-8h30, donc 6h45, c'est presque du service de nuit. Mais, notre chauffeur sera là, l'œil un peu vitreux certes, à l'heure dite.

Pas encore bien réveillée !!

Nous retrouvons Edouardo et Telma au Posto Florestral, nous nous demandons comment ils ont pu faire pour avoir un sac si petit pour deux jours. Nous ne voyons pas de superflu… ??? Nous sommes rassurés quand nous arrivons à Calheta où le regroupement général à lieu, d'autres sont chargés autant que nous. Après un café (nous sommes toujours étonnés des tarifs : 0.50 € et délicieux en plus) à la station service, nous remontons dans les voitures, minibus.

Nous nous arrêtons en rase campagne pour un départ dans les nuages et le crachin, vers 09h. Nous sommes 16 randonneurs, la plus jeune à environ 11 ans et le plus vieux peut-être 70 ans. L'ambiance est chaleureuse et nous sommes tous contents d'aller faire ce parcours unique.

Nous grimpons dans un chemin devenant souvent un ruisseau. Je suis étonnée par la diversité des espèces végétales. Ca fait flic-floc ! Il faut se méfier de trous sous la mousse épaisse, une randonneuse en fait les frais, jusqu'au genou.

 

Le Pico dos Frades n'est pas visible à notre droite, caché dans les nuages. Nous commençons ensuite une descente qui durera la journée : plus de 800 m de dénivelé, presque à pic par moment.

Jorge, notre guide à peine visible à quelques mètres dans le brouillard, ouvre le passage à la machette, il s'oriente grâce à un GPS qui lui permet à la fois de se repérer dans le brouillard et de suivre notre progression sur une carte type IGN.

Pendant ce temps, nous avançons lentement, attendons dans la végétation composée de buis, bruyère arbustive, hortensias… qui nous laissent à peine passer. Il faut être vigilant, les pierres glissent. Deux personnes feront un roulé boulé de 10 m, sans grand mal, mais quelques égratignures et une bonne frousse.  

Parfois, nous plantons le bâton dans le vide, les arbustes et le brouillard nous cachent la réalité.

Nous prenons le rythme, le sac à dos se fait oublier puis une tension dans les épaules nous rappelle son poids. Le plus dur étant de garder l'équilibre quand il faut descendre comme de grandes marches irrégulières. Nous nous agrippons aux branches !

C'est une superbe expérience, car l'un comme l'autre nous avions toujours randonnés en montagne en dormant dans un gîte le soir. Là, la tente, les sacs de couchage et matelas nous encombrent, mais nous sommes contents d'arriver à le faire, surtout dans des conditions de terrain aussi difficiles.

Nous traversons la « Lauri sylva », forêt primaire qui n'a pas subit les glaciations et qui nous replonge dans le temps : ici certaines espèces ont plusieurs milliers d'années d'existence. Nous retrouvons les paysages de la Gomera.

Il est 11h30, au programme pour ce soir, dormir à la « Fajà de sanguinha » à nos pieds et

demain rejoindre le lagoa de la « Fajà da Caldeira de Santo Cristo » que nous apercevons dans des trouées de végétation, par la côte.

L'eau est présente partout : cascades, ruisseaux tantôt visibles ou invisibles.

En descendant en altitude, les arbustes laissent la place aux arbres.

La végétation se referme derrière nous.

Fajà de  Sanguinha, une fajà abandonnée depuis 1980.

Après un violent tremblement de terre entre Terceira et Sao Jorge, le gouvernement décida de ne plus apporter d'aide pour viabiliser cette fajà  coupée du monde (aucune route d'accès).

Pourtant, avant cette date, près de 400 habitants y vivaient. Il y avait même une fabrique de beurre.

Nous montons notre campement, dans une ancienne pâture, au loin Terceira.

Ignames, aire de pâturage pour les animaux… les traces de l'homme sont encore visibles, mais la végétation prend le dessus.

Four à pain et corniche en haut à droite pour garder l'eau fraiche.

Les ruines sont nombreuses, nous retrouvons des chemins bordés de murets, des terrasses envahies par des pestes végétales… Les pierres taillées dans la lave sont restées intactes. Il fait beau et ensoleillé, mais que doit être ce « paradis », en plein hiver quand les tempêtes viennent battre de plein fouet cette côte nord de l'île. La vie ici devait être très dure.

 

Petite excursion (toujours au coupe coupe) jusqu'à une cascade rafraichissante.

 

Préparation du feu de camp, avec le bois flotté ramassé sur la plage.

Repas convivial : poulet, lapas, pain maison sortent des sacs de nos compagnons. Ils nous invitent à partager les spécialités locales.

Nous discutons autour du feu, jusqu'à ce que les Cagarros, oiseaux nocturnes, symboles des Açores nous donnent le signal par leurs cris bizarres d'aller nous coucher. Ces puffins cendrés parents de l'albatros (ordre des Procellariiformes, un ordre vieux de 30 millions d'années) ont une envergure de près de 2 mètres et ne s'approchent de la terre que la nuit. Leurs cris sont terrifiants. Ils nichent sur les falaises, il est présent aux Açores durant l'été. Nous sommes en pleine période de nidification, les premières éclosions devraient démarrer dans quelques jours. Un œuf par nid, les parents se relaient par cession de 2 à 8 jours durant les 55 jours d'incubation. Il pêche des poissons et des calamars et se guide grâce aux thons qui poursuivent la même nourriture. Dommage pour les thons, les cagarros sont à leur tour suivis par les… pêcheurs.

 

Fajà da Caldeira do Santo Cristo

Plus de 7 km dans les galets (plus gros, mais moins rouleurs qu'à Dieppe), ça réveille !

Départ à 07H, il faut réussir à gagner un endroit immergé à marée haute le plus vite possible. Nous suivons la côte couverte de gros galets, nous devons nous faufiler par moments entre de gros rochers. Les jambes sont raides de la descente d'hier. Dur dur de sauter de galet en galet, le sac à dos ballotte et nous déséquilibre, les mollets sont raides, les galets bougent ou sont glissants. Plusieurs pirouettes pour se récupérer… des bleus en perspective. Difficile de regarder toujours à nos pieds.

Mais le spectacle est unique et vaut bien de se surpasser un peu.

Nous passons le passage délicat à temps, nous nous mouillons quand même jusqu'aux cuisses dans une écume de plus en plus menaçante. Ouf ! Il est  9H30, nous nous posons un peu.

 

Arrivés à Fajà da Caldeira do Santo Cristo,

nous retirons chaussures, chaussettes… que nous faisons sécher au soleil.

Cette fajà est accessible seulement en quad. C'est un lieu que les açoriens adorent : « Le plus bel endroit, un vrai paradis. » nous avait dit Amaro, notre producteur de yaourts de Terceira. Un magnifique lagon naturel et toujours des vaches, taureaux splendides.

Le temps semble s'arrêter.

Spot de surf connu mondialement, aujourd'hui la mer est d'huile, voici le seul rouleau que nous apercevrons.

Une bière pour détendre les muscles "encore meilleure que celle après ma première transatlantique" m'avoue Rémy ; une bonne douche et une sieste réparatrice, puis nous reprenons le paquetage pour deux heures de marche en suivant un sentier côtier qui nous parait bien agréable, même sous la chaleur et malgré quelques raidillons.

Fajà do Belo.

Encore des ruines, traces du tremblement de terre et du dépeuplement de l'île. Plus petite, mais toujours aussi magique.

 

Fajà dos Cubres.

Nous finissons notre périple dans cette fajà plus civilisée, où les iliens viennent passer le weekend en famille.

 

Telma qui nous a couvé durant tout le périple : nouveau bâton quand le mien cédera, distribution de lapas...

Edouardo nous arrête au Mirador qui surplombe l'océan et qui nous permet de voir en enfilade notre parcours depuis ce matin : au loin Fajà de Sanguinha jusqu'à Fajà dos Cubres.

Nous retrouvons les routes bordées d'Hortensias, puis le Pico nous lance un appel… Nous partons demain.

 

Boujou ade.

Un grand merci à l'association Os Montaneirhos de Sao Jorge pour nous avoir fait découvrir l'histoire de l'île comme nous ne l'avions jamais espérée.

 

 


23/07/2008
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Sao Jorge, l'île du fromage.

Nous sommes à Sao Jorge depuis mercredi 16 juillet, vers 19H.

Petit grain du matin à Angra, derrière le Monte Brasil, il était temps de partir.

Entre Angra et Velas, ville principale de Sao Jorge, à peine 50 milles à parcourir. Nous échappons à un petit grain du matin qui tire dernière nous un rideau blanchâtre, dès que nous nous écartons du Monte Brasil.  Nous ne voyons plus rien de Terceira. La pointe de Sao Jorge est visible, mais le reste de l'île est drapé dans les nuages. Pas de vent, nous laissons le moteur.

Nous guettons désespéramment les baleines, cachalots ou dauphins qui vivent dans ces eaux. Nada !

Nous sommes vent arrière ou travers. Le vent varie allègrement de 5 à 20 nds. Nous croisons quelques voiliers qui remontent (au vent) vers Terceira.

Les nuages sont généreux en eau à Sao Jorge, l'eau dévale les pentes et forme de magnifiques cascades sur la mer, que le vent agite tel un voile.

Sao Jorge se dresse abruptement au milieu de l'océan, large de seulement 8 km, elle est longue de 56 km.

Son relief est impressionnant, très vite la côte se dresse à plus de 300 m d'altitude. Au centre de l'île, nous ne pouvons apercevoir dans les nuages le point culminant de l'île : le Pico da Esperança, 1053 m d'altitude. Nous passons par la côte sud (la moins abrupte côté relief, pourtant nous sommes impressionnés), nous subissons du coup des effets de côte : le vent varie à 180° en quelques seconde et en force sans dépasser les 22 nds. Nous affalons, mettons le moteur et portons seulement le génois, quand le vent décide d'être favorable.

Les hortansias forment des mosaiques aux bordures bleutées, sur les sommets.

Le Pico nous salue depuis l'île de Pico (!), notre prochaine étape.

Magestueux, le Pico fait une brève apparition sous une écharpe de nuages.

 

Selon notre « guide de navigation des îles de l'atlantique » (1998), nous devrions trouver un mouillage. Surprise !

Une petite marina est en service depuis 2 mois, sauf pour les sanitaires pas encore construits. Un petit écrin au milieu d'une falaise verdoyante.

A proximité le port de commerce ne peut recevoir qu'un bateau à la fois, donc c'est plutôt sympa de regarder l'activité qui y règne.
Le soir quand la nuit tombe des oiseaux viennent nicher dans la falaise, une cacophonie envahit la petite baie. Je ne connais pas ces oiseaux endémiques, mais leurs cris sont un mélange entre le coassement de la grenouille, le cri des goëls (goélands en dieppois) du Bassin Duquesne et le mécontentement d'un chat quand un autre tourne autour de sa dulcinée. Bruyant, mais envoutant en même temps. De toute façon, nous sommes les intrus.

Nos voisins de passage : un bateau hollandais, un bateau américain.


Un jour nous croyons qu'un bateau a fini de décharger et repart laissant le quai libre à un ferry inter-île. Nous le voyons partir vers Terceira. Puis, dix minutes après, dans le sens inverse ! Nous comprenons quelques temps après le départ du ferry… il revient à quai pour finir de décharger.

Sao Jorge est en train de se dépeupler. Actuellement, six mille habitants environ, dont 2000 à Velas. Il y a quelques années la population s'élevait encore à 40 000 habitants. Par contre, côté vaches, c'est la matière première de l'île. Connue pour son fromage à pâte cuite, assez fort, les exportations de vaches sur pied sont courantes.

Dans ce bateau : des vaches !

Vérifications sur les quais quelques jours après.

 

Nous commençons la journée par un bain de mer, après un petit café au bar de la plage en attendant que le grain du matin passe son chemin.

Piscines naturelles, où les poissons abondent : c'est plutôt un aquarium qu'une piscine. Nous reviendrons avec le masque l'après-midi.

 

Nous allons au « Jardim Botanico », il est en restructuration, c'est actuellement un sentier de randonnée fraichement débroussaillé, accroché à la montagne.

Après une bonne grimpette, une vue magnifique de Vela. 

Nous nous arrêtons à une petite maison à l'entrée pour savoir si nous y sommes bien. Un jeune belge nous explique les changements en cours, il fait partie d'une association environnementale qui peut nous fournir tous types de renseignements sur l'île. Nous lui demandons si des randonnées sont prévues ce week end.

«  L'association « Os Montaneirhos » va explorer un coin inaccessible de l'île, c'est très physique. Ils partent samedi et dimanche, dorment sous la tente ». « Os montaneirhos », nous en avions entendu parler plusieurs fois : Claude et Rolf, les amis allemands qui ont hiverné à Terceira, nous avaient parlé de « randonnées au coupe-coupe et à la machette » qu'ils avaient fait avec eux ; du coup à Angra nous avons été visité le musée vulcano-spéléologique qui a été créé à la suite de leurs explorations à travers les îles de TERCEIRA, SAO JORGE et PICO.

Nous étions restés un long moment à regarder les photos du groupe de passionnés faites dans les endroits inhabités des îles. Ca nous avait fait rêver et surtout nous donne envie de revenir… Et là, l'occasion de partir randonner avec eux se présente ! Nous insistons un peu quand une jeune femme nous dit que les inscriptions sont clôturées. Elle passe un coup de fil : « Il faut être à 19H30 ce soir au Posto Floral de Uzelina, à quelques kilomètres de Vales ».

Nous avons du mal à trouver un taxi, nous sommes très très en retard. Puis devant le supermarché : deux taxis. Nous tournons un peu dans Uzelina, puis nous trouvons le groupe de randonneurs autour d'une carte IGN. Quelques uns parlent un peu français, d'autres anglais. Ils nous regardent très étonnés.

Rendez-vous donné à Uzelina avec Edouardo, l'organisateur, ingénieur forestier, samedi matin à 07H30.

Il ne reste plus qu'à faire le paquetage et à préparer nos mollets… nous vous gardons la surprise pour les jours suivants. Nous vous annonçons juste que nous allons sur une « Fajà » côté Nord de l'île, abandonnée depuis 1980, le dernier tremblement de terre de l'île.

Qu'est ce qu'une « Fajà » ? Véritables symboles de l'île (on en compte 46, dont 30 sur la côte nord), elles sont nées des éruptions volcaniques de l'île, dont la lave s'est répandue sur la mer, ou alors d'affaissements de terrain suite à des secousses sismiques. Elles sont particulièrement fertiles au sud de l'île, car moins élevée et plus exposées au soleil. Mais partout, elles sont des îlots de cultures : vergers, cultures d'ignames, de maïs, de légumes, parfois de café, de thé et de fruits tropicaux (bananes, ananas).

A bientôt si nos jambes nous permettent de suivre Os Montaneirhos !


18/07/2008
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